Le 11 décembre à 12h30, Arnaud Develay est l’invité de Géopolitique Profonde, animée par Raphaël Besliu.
Arnaud Develay est juriste et analyste géopolitique. Il est également auteur de l’ouvrage Foreign Entanglements: Ukraine, Biden & the Fractured American Political Consensus. Fort de ses deux ans et demi passés en Syrie, il livre une analyse sans concession sur la chute du régime de Bachar Al-Assad, les forces qui ont précipité cet effondrement et ses conséquences pour le Moyen-Orient.
La fin d’une ère et l’effondrement d’un pivot géostratégique
La chute du régime de Bachar Al-Assad redessine radicalement l’équilibre d’une région déjà instable. Cet événement, bien plus qu’un simple changement politique, marque un tournant majeur dans l’affaiblissement de l’axe de la résistance, regroupant l’Iran, la Syrie et le Hezbollah libanais. Une page se tourne, emportant avec elle un acteur clé dans la lutte contre l’influence israélo-américaine.
Pendant 14 ans, la Syrie a été ravagée par une guerre brutale, aggravée par des sanctions internationales et des interventions étrangères. Les puissances occidentales, appuyées par des acteurs régionaux comme Israël et la Turquie, ont déployé une stratégie d’affaiblissement systématique. Israël, en particulier, a multiplié les frappes pour neutraliser les infrastructures du Hezbollah et réduire l’influence d’un adversaire historique. De son côté, la Turquie, sous Erdogan, a renforcé son emprise dans le nord de la Syrie en soutenant des groupes armés, poursuivant ainsi son projet de domination régionale. Enfin, les États-Unis ont utilisé des figures comme Abou Mohammed Al-Joulani pour mélanger sanctions, propagande et soutien indirect à des milices armées.
Un Moyen-Orient en proie au chaos et à la fragmentation
La chute du régime syrien ouvre la voie à une déstabilisation massive. La Syrie, autrefois un pilier stratégique de la résistance, se désintègre sous le poids des conflits internes et des interventions étrangères. Ce vide alimente les divisions et encourage la prolifération de groupes armés, menaçant d’embraser toute la région.
Le Liban, déjà paralysé par une crise économique profonde, vacille au bord de l’effondrement. Les tensions entre communautés augmentent, tandis que l’Iran, principal allié du régime syrien, fait face à une menace croissante sur sa propre stabilité. L’axe de la résistance s’effrite, offrant à Israël et à ses partenaires occidentaux une opportunité pour renforcer leur contrôle sur la région.
En parallèle, la Russie, pourtant soutien majeur de Damas, doit réévaluer sa stratégie. L’effondrement syrien réorganise les rapports de force et affaiblit l’influence de Moscou. Ce retrait implicite permet à Daech de ressurgir et aux puissances occidentales de consolider leur emprise.
Un avenir sombre et incertain
Sans Bachar Al-Assad, le Moyen-Orient entre dans une nouvelle phase où chacun cherche à tirer profit du chaos. La Syrie, fragmentée, devient un champ de bataille ouvert à toutes les ambitions. La Turquie se positionne comme un acteur essentiel, mais son interventionnisme risque de l’isoler davantage au niveau international.
Pour Israël, l’objectif est clair : exploiter la fragmentation syrienne pour éliminer toute menace sur ses frontières nord. Mais cette stratégie aggrave les tensions avec l’Iran, qui pourrait réagir de manière imprévisible. Pendant ce temps, le Liban continue de sombrer dans une crise qui pourrait faire imploser son fragile équilibre confessionnel.
Dans ce contexte, l’avenir du Moyen-Orient semble de plus en plus sombre. Les luttes de pouvoir, les conflits armés et l’instabilité deviennent la norme. La chute du régime Assad, loin d’apporter une solution, ouvre une nouvelle ère de chaos et de confrontations. Ce bouleversement laissera des cicatrices durables sur une région déjà à bout de souffle.