Introduction
Le 13 septembre, une rencontre inhabituelle a eu lieu, signalant une résonance géopolitique significative sur l’axe Est-Ouest. Le leader nord-coréen, Kim Jong-un, et le président russe, Vladimir Poutine, se sont réunis lors d’un sommet rare à la Vostochny Cosmodrome, située dans l’Oblast d’Amur dans l’Extrême-Orient russe.
Cet événement marque ainsi un moment pivot dans les relations bilatérales entre la Russie et la Corée du Nord. Il est survenu dans un contexte où les relations diplomatiques entre la Corée du Nord, les États-Unis et la Corée du Sud étaient dans une impasse, exacerbée par l’échec du sommet entre Kim et l’ex-président américain Donald Trump à Hanoi en 2019.
Cette rencontre a été bien plus qu’une simple poignée de mains entre deux dirigeants. Elle a mis en lumière une coopération renforcée, notamment sur des questions militaires et des discussions autour de la situation politique en Asie et en Europe, avec une attention particulière portée sur la guerre en Ukraine.
La visite de Kim, qui incluait également une discussion sur le programme spatial nord-coréen, a non seulement renforcé les liens entre Moscou et Pyongyang mais a également envoyé un message clair aux puissances occidentales concernant l’alliance stratégique qui se renforce entre ces deux nations.
Les échos de ce sommet résonnent au-delà des frontières de la Russie et de la Corée du Nord, apportant une nouvelle dimension aux dynamiques géopolitiques actuelles. À travers cet article, nous explorerons les divers aspects et implications de cette rencontre sur la scène internationale, en détaillant les échanges militaires et technologiques, les ambitions économiques partagées, et les ramifications régionales et globales de cette alliance émergente.
À mesure que les alliances se forment et se dissolvent, comprendre les implications de telles rencontres est crucial pour anticiper les futurs enjeux géopolitiques et stratégiques globaux.
Un peu d’histoire
Avant tout, un peu d’histoire, c’est une part importante de nos recherches chez Géopolitique Profonde. La Corée du Nord et la Russie, jadis connues sous le nom de l’Union Soviétique, entretiennent des relations historiques profondes, qui remontent à la fondation de la Corée du Nord en 1948.
L’Union Soviétique, sous la direction de Joseph Staline, a joué un rôle déterminant dans l’établissement du régime communiste en Corée du Nord, en installant Kim Il Sung, le grand-père de Kim Jong-un, comme leader du nouveau pays.
Les relations entre ces deux nations ont continué à se renforcer, notamment pendant la Guerre de Corée (1950-1953), où l’Union Soviétique a fourni une assistance militaire significative à la Corée du Nord, en termes de munitions, d’avions de guerre et de pilotes, pour soutenir l’invasion du Sud par la Corée du Nord.
Au fil des décennies suivantes, l’Union Soviétique a continué à fournir une assistance économique et militaire à la Corée du Nord, notamment en matière de carburant et d’armement, créant ainsi une alliance robuste durant la Guerre Froide.
Cependant, les relations entre la Russie et la Corée du Nord ont connu des hauts et des bas, en grande partie en raison de la dynamique géopolitique changeante dans la région, y compris les relations de la Corée du Nord avec la Chine. Historiquement, la Corée du Nord a souvent utilisé sa coopération avec Moscou comme levier pour obtenir plus d’assistance de la Chine, ou en lieu et place de l’assistance de Pékin pendant certaines périodes de l’histoire chinoise, comme le Grand Bond en avant et la Révolution culturelle.
La dynamique entre la Russie et la Corée du Nord a pris un tour nouveau et crucial après l’échec du sommet entre Kim Jong-un et l’ancien président américain Donald Trump à Hanoi en 2019. L’impasse diplomatique qui a suivi entre la Corée du Nord, les États-Unis et la Corée du Sud, a conduit Pyongyang à chercher à renouer et à renforcer ses relations avec ses alliés traditionnels, y compris la Russie.
Ce fond historique complexe et les évolutions récentes ont jeté les bases du sommet entre Kim Jong-un et Vladimir Poutine le 13 septembre, soulignant une fois de plus l’importance stratégique des relations russo-nord-coréennes dans le contexte géopolitique actuel.
La Scène du Sommet : Cosmodrome de Vostotchny
Le choix du Cosmodrome de Vostotchny comme lieu de rencontre entre Kim Jong-un et Vladimir Poutine n’était pas anodin. Situé dans l’Oblast d’Amour, en Extrême-Orient russe, ce cosmodrome est un symbole de la puissance spatiale et technologique russe, représentant l’ambition de la Russie de réduire sa dépendance vis-à-vis du Cosmodrome de Baïkonour situé au Kazakhstan.
Lors de cette rencontre, les deux dirigeants ont examiné un pad de lancement de fusées Soyuz, ce qui met en lumière la dimension spatiale de leur discussion.
Le Cosmodrome de Vostotchny est le centre de lancement spatial le plus important de Russie sur son territoire, et le choix de ce lieu pour le sommet pourrait souligner l’intérêt de la Corée du Nord pour la coopération spatiale et technologique avec la Russie.
En effet, il est probable que les discussions aient porté sur une gamme de possibilités de coopération liées à l’espace entre les deux nations. La visite de Kim ne s’est pas limitée au cosmodrome ; elle a également inclus l’inspection d’autres sites clés de fabrication d’armes russes, ce qui révèle une dimension militaire et technologique importante dans les discussions entre les deux dirigeants.
L’aspect symbolique de cette rencontre au Cosmodrome de Vostotchny est multiple. D’une part, elle montre l’alignement de la Corée du Nord avec la Russie sur les questions de technologie et d’exploration spatiale, ce qui peut être perçu comme un message adressé aux États-Unis et à ses alliés.
D’autre part, elle met en évidence l’engagement de la Russie envers la Corée du Nord, en offrant une plateforme pour discuter des collaborations futures dans des domaines qui vont bien au-delà des simples échanges diplomatiques.
Ambitions conjointes
Le sommet a permis de discuter de diverses questions militaires, notamment la guerre en Ukraine et un possible soutien russe au programme spatial nord-coréen. La réunion a également mis en lumière la dynamique de la guerre froide renouvelée entre les États-Unis et la Russie, avec la Corée du Nord comme un acteur clé dans ce scénario.
Coopération militaire et soutien dans la guerre en Ukraine
L’un des aspects saillants de la réunion était l’exploration de la coopération militaire. Des responsables américains et sud-coréens ont exprimé leur inquiétude quant à la possibilité que la Corée du Nord fournisse des armes et des munitions à la Russie, qui a épuisé d’importantes réserves en plus de 18 mois de guerre en Ukraine.
Pour infos, la Russie a épuisé jusqu’à 11 millions d’obus en Ukraine l’année dernière et devrait en tirer 7 millions de plus cette année.
Bien que Moscou et Pyongyang aient nié ces intentions, des indices sur une possible coopération militaire ont été évoqués lors du sommet. En outre, Kim Jong-un a prédit une victoire pour Moscou dans sa « lutte sacrée » avec l’Occident concernant la guerre en Ukraine, soulignant ainsi l’alignement stratégique entre la Russie et la Corée du Nord contre les intérêts occidentaux, en particulier ceux des États-Unis.
La Russie montre un intérêt particulier pour les munitions suivantes : le BM-21 Grad (système de lance-roquettes de 122 mm), les obusiers M-1955 (D-20) de calibre 152 mm d’origine soviétique, et les obusiers de 122 mm (D-30) utilisés par la Corée du Nord. Cette dernière possède également des chars de l’ère soviétique, tels que le T-54 et le T-62, qui pourraient servir de source potentielle de pièces de rechange pour la Russie.
Coopération spatiale
La coopération spatiale a également été un sujet de discussion majeur lors de la réunion. Poutine a montré à Kim le site de lancement de fusées le plus avancé de la Russie dans l’Extrême-Orient russe, et a discuté de la possibilité d’envoyer un cosmonaute nord-coréen dans l’espace.
Kim a posé des questions détaillées sur les fusées lors de sa visite au Cosmodrome de Vostochny. Lorsqu’on a demandé aux médias russes si Moscou aiderait Kim à construire des satellites, Poutine a répondu : « C’est pourquoi nous sommes ici« .
Implications régionales et globales
En premier lieu, la tension croissante entre ces nations et l’Occident grandit aux yeux du monde. La réunion a également été perçue comme un moyen pour la Russie de défier les États-Unis, en exploitant les relations avec la Corée du Nord pour montrer sa résistance face à l’opposition occidentale.
Les informations révélées par le sommet ont été limitées, soulignant peut-être la nature sensible des discussions et des accords qui y ont été conclus. Le sommet n’a pas été largement analysé par les médias occidentaux, peut-être à cause un manque d’informations révélées, soit une réticence à mentionner des accords potentiellement défavorables à l’Ouest.
Kim Jong-un a exprimé son engagement à respecter les accords conclus lors du sommet avec Vladimir Poutine, bien que les détails spécifiques de ces accords restent flous.
Relations Économiques et Progrès Futurs
La relation entre la Russie et la Corée du Nord a toujours été complexe, oscillant entre coopération et méfiance au fil des années. Toutefois, le récent sommet entre Kim Jong-un et Vladimir Poutine a donné un nouvel élan à leurs relations, ouvrant la voie à des collaborations potentielles dans divers domaines.
Augmentation des échanges pétroliers
L’un des domaines clés de coopération économique entre la Russie et la Corée du Nord concerne l’énergie. Selon un rapport, la Russie a augmenté son approvisionnement en pétrole à la Corée du Nord en juillet, multipliant par cinq les exportations par rapport au mois précédent, avec un total de 10,933 barils.
Cette augmentation des exportations pétrolières peut être perçue comme un geste de soutien à la Corée du Nord, qui est souvent isolée sur la scène internationale en raison de ses ambitions nucléaires.
Commerce d’armes et de technologie
Les relations réchauffées entre ces deux États pourraient favoriser un commerce mutuellement bénéfique d’armes et de technologie, exacerbant ainsi les tensions sur la péninsule coréenne.
Les discussions lors du sommet ont probablement abordé des domaines de coopération militaire et technologique, avec la Corée du Nord cherchant de l’aide économique et une technologie militaire de la Russie.
Expansion des relations bilatérales
L’engagement d’élargir les relations bilatérales a été souligné lors du sommet. Kim a prédit que la coopération entre la Russie et la Corée du Nord grandirait sur la base d’un accord signé en 2019 lorsqu’il a rencontré Poutine.
En juillet, la Corée du Nord a reconnu deux États soutenus par la Russie en Ukraine orientale, ce qui pourrait fournir une nouvelle base pour l’évasion des sanctions et la cybercriminalité.
Sortie de l’isolement
Après plus de trois années d’isolement intense auto-imposé en raison de la pandémie de COVID-19, le leader nord-coréen Kim Jong-un a franchi les frontières de son pays pour la première fois, signalant peut-être un désir de réengagement avec le monde extérieur, avec la Russie comme partenaire clé.
Les relations économiques entre la Russie et la Corée du Nord semblent être sur une trajectoire ascendante, avec des échanges accrus dans des domaines clés comme l’énergie, les armes et la technologie.
La volonté des deux nations d’élargir leurs relations bilatérales pourrait avoir des implications importantes pour la stabilité régionale et globale, en particulier en ce qui concerne les tensions sur la péninsule coréenne et les relations entre ces pays et l’Occident.
Conclusion
L’implication géopolitique du sommet entre Kim Jong-un et Vladimir Poutine dépasse largement la simple rencontre de deux dirigeants nationaux. Il symbolise un réalignement stratégique dans un monde de plus en plus polarisé.
Les discussions variées et les échanges envisagés lors de cette rencontre soulignent l’intérêt mutuel entre la Russie et la Corée du Nord, et l’impact que cela pourrait avoir sur la scène internationale, particulièrement dans le contexte des tensions grandissantes avec les États-Unis et leurs alliés.
La coopération militaire, spatiale et économique entre ces deux nations pourrait non seulement redéfinir leurs relations bilatérales, mais aussi remodeler l’équilibre géopolitique en Asie et au-delà. Cette alliance renouvelée entre la Russie et la Corée du Nord révèle une fois de plus la complexité et la dynamique du paysage géopolitique mondial.
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